Introduction
Dans un article précédent, je vous présentais comment les comportements indésirables se produisent et pourquoi ils peuvent persister dans le temps. Cette information est utile lorsqu’on souhaite modifier un comportement ou agir en prévention pour éviter qu’il ne se répète ou ne persiste dans le temps.
Lorsqu’on souhaite modifier un comportement chez un enfant, il est d’abord conseillé aux parents de modifier leur propre approche ou leurs interventions d’une façon qui soit durable. Dans le présent article, je vous donnerai des conseils pour y arriver et vous illustrerai mon propos à l’aide d’un exemple concret.
Contenu de l’article
- Mise en situation
- Gérez votre niveau de stress et respirez profondément
- Concentrez-vous sur ce que vous voyez et non sur ce que vous pensez
- Intervenez sur ce que vous voyez
- Sortez votre « bouclier anti-missile »
- Enseignez le comportement attendu
- Pourquoi les punitions ne fonctionnent pas
- Enseigner à assumer la responsabilité de ses gestes et paroles
- En conclusion
1. Reprenons l’exemple débuté dans l’article précédent.
Donc, fiston, 4 ans, joue. Cocotte, 18 mois, déboule dans son jeu. Fiston frappe cocotte et cocotte pleure. Il s’agit de la première fois où cela se produit. Vous avez tout vu.
C’est maintenant votre tour d’entrer en scène.
2. Gérez d’abord votre niveau de stress et respirez profondément
Personne ne le contestera, les cris et les chicanes entre frères et sœurs sont un facteur de stress important pour les parents. Lorsque nous percevons quelque chose de stressant, cela provoque la sécrétion d’hormones du stress, tels l’adrénaline et le cortisol, qui font monter notre niveau de stress.
Lorsque celui-ci est élevé, il est plus difficile d’apprendre et de se souvenir de nouvelles informations. Autrement dit, il est plus difficile d’utiliser son cerveau lorsque nous sommes stressés.
C’est ici que l’expression « Faire de son mieux » prend tout son sens, je trouve.
Lorsqu’un parent souhaite modifier son intervention, il aura besoin d’un cerveau disponible pour y arriver, d’où l’importance d’apprendre à diminuer son niveau de stress lequel aura probablement bondi de plusieurs crans en attendant les enfants crier et se chicaner.
Et si le parent expérimente un état de stress chronique dû à sa situation familiale, personnelle ou professionnelle, il est fort possible qu’il ne reste plus beaucoup de place dans son cerveau pour gérer les petits stress de la vie.
Les respirations lentes et profondes ont le pouvoir de diminuer instantanément la réponse de stress en diminuant la quantité d’hormones de stress dans notre corps.
La bonne nouvelle : une seule respiration peut faire la différence! Pour vous mais aussi pour votre enfant si vous prenez le temps de le faire devant lui.
D’abord, cela vous apaisera et en vous voyant plus calme, ce sera plus facile pour votre enfant de l’être lui aussi.
Découvrez des activités pour enseigner les respirations à votre enfant.
Être capable de transmettre son propre état à son enfant est un superpouvoir que possèdent les parents. Ce superpouvoir s’appelle la corégulation.
Nous en parlons dans cet article.
3. Concentrez-vous sur ce que vous voyez et non sur ce que vous pensez.
Après avoir pris une, deux, trois, quatre bonnes respirations et que vous sentez le niveau de stress descendre un peu, vous êtes prêt pour la prochaine étape.
Observez. Sans penser.
Vous observez cocotte qui pleure et fiston qui vous regarde (ou pas).
(Si vous sentez votre niveau de stress monter, respirez!)
Peut-être serez-vous tenté de penser : « Ben voyons donc! Ç’a pas d’allure! Qu’est-ce qui va se passer s’il se met à frapper dès qu’il est pas content! ».
Vos pensées sont tout à fait normales.
Toutefois, elles ne vous aideront pas à régler la situation. Si vous les écoutez, elles ne feront qu’amplifier les émotions négatives et le stress que vous ressentez face à cette situation.
4. Intervenez sur ce que vous observez.
Conséquence logique pour fiston. Réconfort pour cocotte.
Par exemple, vous pouvez demander à fiston de faire une pause sur le divan. Dites simplement : « On ne frappe pas. Tu as besoin de faire une pause. »
Rien de plus.
Limiter au maximum l’attention que vous accorderez au comportement pour éviter de tomber dans le piège du cercle vicieux de l’attention négative.
Fiston doit comprendre que la violence mène à une conséquence logique négative, c’est-à-dire à l’arrêt de ce qu’il faisait. Une conséquence logique négative est une perte de quelque chose qui se produit normalement suite à un comportement. Ici, la perte que subit votre enfant est le retrait de son jeu et le retrait de votre attention.
Comme cocotte était curieuse et s’intéressait au jeu de son frère, elle ne comprend assurément pas ce qui vient de se passer et pourra se sentir désemparée d’avoir été frappée. Un gros câlin sera assurément apprécié.
Peut-être faudra-t-il aussi réfléchir à une stratégie pour lui enseigner ce qu’elle peut faire lorsqu’elle veut jouer avec son frère au lieu de débouler de la sorte dans son réseau routier.
Mais ça, c’est une autre mission!
5. Sortez votre «bouclier anti-missile»
Si fiston est du type hypersensible ou hyper réactif sur le plan neurologique ou s’il présente des fragilités sur le plan de l’autorégulation et de la gestion des émotions, voici ce qui risque de se passer.
Habituellement, c’est à ce stade que vous commencerez à voir des manifestations de l’intensité de l’émotion qui habite fiston.
Il se peut qu’il ne comprenne pas, qu’il se sente traité injustement, qu’il se sente honteux ou déçu d’avoir perdu son jeu.
Ce que vous verrez pourrait toutefois être autre chose, comme une colère excessive, des pleurs incontrôlés ou une absence totale de réaction. Vous ne le saviez peut-être pas, mais certains enfants peuvent tout simplement se figer lorsqu’ils ressentent des émotions négatives intenses et ainsi paraître totalement indifférents.
Tout comportement qui se manifeste à ce stade est fréquemment hors du contrôle de l’enfant.
Il est envahi par ses émotions et celles-ci produisent une réponse de stress qui l’empêche d’utiliser son cerveau adéquatement. Si vous voyez ce genre de manifestation, sachez qu’elles sont habituellement accompagnées d’un fort sentiment d’insécurité chez votre enfant.
Peut-être avez-vous déjà expérimenté comment on peut se sentir lorsqu’est envahi par une forte émotion qui résulte en une colère démesurée au cours de laquelle on dit des choses qui dépassent notre pensée ou que l’on fait des gestes que l’on regrette ensuite.
C’est la même chose pour les enfants.
Toutefois, comme adulte, nous avons un cerveau mature doté d’un lobe frontal capable de nous aider à ajuster notre comportement. Nous sommes donc capables d’assumer la responsabilités de nos actes et de nos paroles.
Les enfants n’ont pas la chance d’avoir un lobe frontal mature.
Celui-ci commence son développement vers l’âge de 8 ans et progresse lentement vers sa pleine maturité qui se situe entre 25 et 29 ans.
(Courage! Vous y arriverez!)
C’est pourquoi, on ne peut les tenir pleinement responsables de leurs actes lorsqu’ils sont submergés par leurs émotions et que celles-ci mènent à la production de comportements indésirables comme frapper des personnes, dire des choses blessantes ou briser des objets.
Est-ce que ça veut dire que l’on doit tolérer les comportements indésirables, agressifs ou violents?
Absolument pas!
Mais s’ils se produisent en pleine crise de comportement, on se doit de les ignorer et de se concentrer sur un seul objectif : aider notre enfant à se calmer.
Voilà pourquoi il vous faudra un bouclier anti-missile; pour éviter de vous laisser atteindre par tout ce que pourrait vous projeter votre enfant durant la crise, que ce soient des mots blessants, des cris, des objets ou des coups.
Et votre bouclier sera d’autant plus important si votre enfant présente des difficultés significatives d’autorégulation et qu’il est incapable de se calmer sans votre aide.
Ici aussi, votre superpouvoir de corégulation vous sera très utile.
6. Enseignez le comportement attendu
Si la situation n’a pas dégénérée en guerre atomique (certains parents sauront que j’exagère à peine!), passez à cette étape lorsque vous sentirez votre enfant disponible.
Autrement, poursuivez avec l’étape 3 jusqu’à ce que l’enfant ait retrouvé son calme.
Comment savoir s’il est disponible?
Habituellement, un enfant disposé à écouter est calme et capable de répondre à des questions simples comme « Tu faisais quoi avant que ta sœur arrive? », « Qu’est-ce qui s’est passé ensuite? », etc.
Si votre enfant est habituellement capable de vous regarder dans les yeux mais qu’il ne le fait pas maintenant, il se peut que ce soit en raison d’une émotion qui occupe encore trop de place dans son cerveau.
Ce n’est pas facile de regarder quelqu’un quand on se sent honteux, stressé ou mécontent. Cela pourrait aider votre enfant de l’aider d’abord à reconnaître comment il se sent avant de discuter davantage.
La recherche a démontré qu’un des meilleurs moyens de réduire une réponse de stress est de nommer l’émotion qui nous habite.
Vous pouvez également donner le modèle à votre enfant en nommant votre propre émotion. « J’ai été surprise quand je t’ai vu taper ta sœur. J’ai eu peur que tu lui fasses mal. J’ai été fâchée par ton geste. »
Lorsque votre enfant sera calme, vous pourrez revenir sur l’origine du problème et non sur la crise qui en a suivi.
Le but de revenir à la source est d’enseigner à votre enfant ce qu’il peut faire si la situation se reproduit et d’identifier avec lui un moyen de se calmer pour éviter que ça dégénère en crise à nouveau.
Vous pouvez dire à votre enfant ce que vous vous attendez qu’il fasse ou encore mieux, vous pouvez rechercher une solution à deux.
Le fait d’impliquer votre enfant le fera se sentir davantage en contrôle et confiant.
Vous lui enseignerez également l’importance que vous accordez à sa collaboration. Collaborer avec les autres est une des habiletés de base sur lesquelles se développent les compétences sociales d’un enfant.
7. Pourquoi les punitions ne fonctionnent pas
Les punitions ne fonctionnent pas car elles n’enseignent pas à votre enfant ce qu’il peut faire. De plus, elles peuvent provoquer (voire augmenter) un sentiment d’insécurité et une diminution de la confiance en soi si utilisées de façon excessive ou incohérente.
Comme tout parent se sentant impuissant et en état de stress, j’ai expérimenté les punitions incohérentes ou excessives avec mes enfants. Les résultats ont toujours été catastrophiques, menant à une augmentation des comportements difficiles provoqués par des émotions négatives.
Mon fils m’a dit une fois que lorsque je le privais de ce qu’il aime, il sentait qu’il n’avait pu rien à perdre.
Il n’avait plus aucune raison de faire des efforts et surtout, il se sentait laissé seul avec son problème de comportement.
Clairement, il ne voulait pas perdre le contrôle de son état. Il ne voulait pas être envahi de la sorte par sa colère. Et le sentiment de honte qu’il ressentait ensuite faisait tout autant de ravage sur lui.
8. Enseigner à assumer la responsabilité de ses gestes et paroles
À ce stade, peut-être vous dites-vous « C’est bien beau tout ça, mais fiston a quand même mal agi. Comment je gère ça pour lui enseigner que la violence n’est pas acceptée? »
Vous avez tout à fait raison, un enseignement s’impose!
L’occasion est parfaite pour enseigner le sens des responsabilités.
Même si votre enfant a perdu le contrôle de ses comportements, il doit comprendre que c’est sa main qui a tapé, sa bouche qui a dit des gros mots et ses pieds qui ont frappé.
De façon à préserver l’égo de votre enfant et éviter qu’il ne retombe en réponse de stress, je vous propose la tactique de la chèvre et du chou. Cela consiste à garder en tête autant l’estime de soi de votre enfant que son développement social de façon à les préserver tous les deux.
Concrètement, voici comment cela peut être fait.
Premièrement, on attend que fiston soit calme (et nous aussi, bien évidemment!).
Comme on veut lui enseigner quelque chose, on a besoin que son cerveau soit disponible pour apprendre.
Lorsque le moment et le lieu sont propices à une discussion, voici un exemple de ce qui peut être dit.
« Je comprends que tu étais fâché et que ta main a fait un accident en tapant ta soeur. Même si tu ne le voulais pas, ta soeur a été tapée et ce n’est pas permis de faire ça. Qu’est-ce que tu peux faire pour réparer ça? »
Et on termine l’intervention en proposant notre aide pour réaliser le geste de réparation.
9. En conclusion
Si on veut modifier un comportement de façon durable, il faut guider l’enfant pour l’inciter à vouloir changer lui-même sa conduite. Mais pour que cela fonctionne, vous devez d’abord prendre soin de vous afin d’être capable d’ajuster votre propre attitude et vos interventions. Une bonne façon d’y arriver est de développer votre capacité à gérer votre stress et à résoudre des problèmes. L’approche de coaching basée sur les occupations, telle que proposée en ergothérapie, est un moyen efficace d’obtenir le changement que vous souhaitez.
Source:
Lupien, Sonia, À chacun son stress, Éditions Va Savoir, 2019
Centre d’études sur le stress humain: www.stresshumain.ca
Vous connaissez quelqu’un qui vit des difficultés avec son ou ses enfants? N’hésitez pas à lui partager ce contenu.
Et l’ergothérapie dans tout ça
L’ergothérapeute, par son intervention, soutient et stimule les capacités de l’enfant à s’engager dans ses activités et à y participer d’une façon qui soit satisfaisante pour lui et sa famille tout en favorisant le développement de son potentiel.
Sans engagement ou sans participation dans les activités propres à son âge, l’enfant se voit privé d’opportunités de faire les apprentissages nécessaires à son développement. L’opposition, l’agitation ou l’évitement produisent le même résultat lorsque le problème est chronique, c’est-à-dire de priver l’enfant d’opportunités d’apprendre et de se développer.
Les difficultés de comportement coexistent fréquemment avec les difficultés de développement. Dans les deux cas, il est important de supporter le système nerveux de l’enfant et de l’aider à le réorganiser avec des stratégies adaptées à ses besoins.
L’intervention de l’ergothérapeute permet donc d’augmenter la disponibilité et la réceptivité de l’enfant et d’amener un sentiment de sécurité qui favorisera l’engagement dans ses activités et l’apprentissage des comportements et des capacités attendus.
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